De Blanzac à Blavozy
À l'école de Blanzac, nous sommes accueillis par Jean-Rémy Bomboy. L'instituteur avoue nous avoir oubliés, mais ce n'est pas grave, il sait semble-t-il se rendre disponible. Après que nous avons raconté ce que nous proposons de faire ensemble, nous échangeons sur notre sujet phare. Nous notons avec Jean-Rémy, que le sujet des odeurs a une position contradictoire. C'est peut-être le plus animal de nos sens, mais le simple fait de l'engager dans une discussion lui donne tout de suite une dimension conceptuelle, plus difficile à saisir que la vue, le goût ou le toucher.
L'odorat, n'est pas un sens que Jean Rémy utilise consciemment, mais il est conscient de son importance. Il nous avoue ainsi avoir plus de facilité à reconnaître les gens à l'odeur qu'à la vue, quand il les croise dans la rue. Les odeurs comme la musique, s'inscrivent pour lui dans une durée, un instant. Leur perception est difficile à décrire, nous manquons en tout cas de mots pour le faire. Faudrait-il en inventer ? Il a prévu en tout cas de travailler avec un auteur à l'occasion du printemps des poètes. Il propose également d'introduire les odeurs dans la lecture de paysages. Que sent par exemple le village, les odeurs de cheminées, l'herbe coupée au début du printemps...
Quand nous discutons avec les enfants, nous leur demandons d'associer les odeurs des matières avec des lieux, des animaux. Le sucre a l'odeur de la poule blanche, le ballon a l'odeur du magasin ou bien est-ce l'inverse ? Dans ce petit jeu un peu surréaliste, des mécanismes se mettent en place qui pourraient bien se développer.
44 tonnes de sensibilité
Nous arrivons après 14h dans le garage poids lourd où Josiane nous accueille. C'est elle qui a accepté de nous recevoir. On s'est dit au téléphone qu'on arriverait peut-être à convaincre son fils Kevin Sommacal, gérant de cette entreprise dont l'activité s'est diversifiée au fil des années : reconditionnement de pneu, réparation de systèmes hydrauliques et depuis peu commerce en ligne de pièces détachées VL.
Il nous accueille avec un sourire ou pointe un soupçon de malice, mais préfère dans un premier temps laisser à sa mère le soin d’entamer l'entretien.
Nous traversons les bureaux flambant neufs de 44t. Josiane Jamon nous présente l'activité. En théorie elle est à la retraite, mais elle n'est pas près de s'arrêter. Quand nous la questionnons sur l'environnement olfactif, elle nous dit tout simplement qu'il n'y a pas d'odeur dans son métier... C'est un peu l'angoisse dans le casque je dois dire. Et puis, elle dit : " mais c'est ma petite fille qui m'a dit mais si mamie, l'atelier de papa il y a plein d'odeurs dedans". Elle nous avoue avoir un penchant pour le papier... Dans un secrétariat, ça se comprend.
Sur ce nous rejoignons finalement Kevin, qui semble en fait curieux de notre enquête.
Kevin prendra avec nous presque une heure de son temps bien précieux pour nous faire sentir les matières : huiles, pneus, liquides nettoyants, machines... Il nous détaille les gestes et les outils, allumant ses machines exprès pour qu'on ait les sons. C'est la fête.
Je dois dire penaud que je n'arrive pas à faire la différence entre les huiles de flexible et les huiles de coupes... Et que je suis tellement concentré sur ce qu'il dit que je me rends compte que j'enregistre dans le vide, heureusement depuis (seulement,... fatigue) une petite dizaine de minutes à la fin de notre entretien. On a fini sur le portable de Delphine.
Après cette incroyable visite olfactive digne d'une promenade en parfumerie, Kevin conclut tranquillement en nous racontant qu'être mécanicien, ce n'est évidemment pas seulement la logique, la rationalité, la connaissance des mécanismes... c'est aussi savoir apprécier des odeurs, des textures, des sons.
Il faut effectivement un odorat développé pour être capable de capter les degrés de chaleur, les différents types d'huiles dans des atmosphères aussi saturées que peuvent l'être des ateliers comme celui-ci. Et ce qu'on comprend en écoutant Kévin, c'est comme toutes ces précisions, pour qui sait les sentir, sont passionnantes à travailler. La mécanique poids lourd est un art, la preuve par 44.
L'odeur du thé vert en vacance.
Nous finissons notre journée à l'école de Blavozy avec les élèves de Carine Mergoil. On regarde un peu anxieux le ciel tout gris. Il y a un vent à décorner les bœufs, Josiane nous a souhaité de passer le Pertuis avant la neige. On verra si ça passe et déjà si les enfants la sentent. Il y a un peu d'excitation, c'est vrai, c'est la fin de la journée, mais les enfants sont attentifs malgré tout. Certains aiment l'odeur de l'essence on en a toujours un ou deux, un autre l'odeur du thé en vacances. À l'heure des parents, quand on se quitte, ils se montrent partants et partantes pour la suite.